Yellowface

Emilien 2 minute(s) de lecture possible mardi 1 octobre 2024 294 mots et d'autres choses
roman critique chronique

Yellowface de Rebecca F.Kuang commence par une liste…

… une drôle de liste…

Est-ce de la prévention, pour se prémunir de piéger les lecteurs sensibles ? Une technique marketing pour attirer les lecteurs insensibilisés par les œuvres d’Irvine Welsh ou de Bret Easton Ellis ?

Ou tout simplement c’est l’air du temps : même dans les webtoons coréens, on te prévient quand un chapitre va contenir de la bagarre…

Bon, et sinon cette liste, elle est honnête ?

Alors… oui, mais ! On est loin d’un Filth ou d’un American Psycho. Même si Rebecca F. Kuang propose la même approche que Welsh dans sa narration en plaçant le lecteur dans les pensées foireuses d’un personnage à la morale douteuse, ça reste soft dans la décadence. On suit en effet les aventures de June Hayward, autrice sans grand succès, qui vole l’œuvre d’une collègue morte dans un accident improbable. Et de ce vol découle une spirale de justifications foireuses pour légitimer son acte. Surtout que la collègue en question est d’origine asiatique et que l’œuvre volée parle des immigrés chinois exploités par la France pendant la Première Guerre mondiale…

L’autrice expose avec brio les problématiques du milieu de l’édition américaine, et l’humour est particulièrement présent. Je retiens particulièrement un passage délicieux où le personnage principal, aidée de son éditrice, charcute des passages entiers de l’œuvre volée parce que les personnages chinois ont des noms trop compliqués, ou quand un autre personnage propose l’emploi d’un “sensitivity writer”, provoquant l’ire de la gredine principale.

Le style est fluide et il est difficile de s’arrêter une fois commencé. On réfléchit aux problématiques d’appropriation culturelle, de marketing de la diversité et de l’intérêt d’utiliser TOR pour troller les gens sur Internet. Ça donne envie de découvrir ses autres publications.