Synthétique & toxique

Miles Davos 3 minute(s) de lecture possible lundi 21 avril 2025 441 mots et d'autres choses
bd illustration recension chronique dessin queer psychologie

J’aurais pu passer à côté sans le voir, timidement juché sur le comptoir de la librairie, parmi d’autres petits ouvrages que l’on met à la périphérie de nos yeux, juste avant de passer en caisse, comme les chewing-gums au supermarché. Sait-on jamais, vous pourriez craquer et dépenser un peu plus de sous, même si vos mains, du moins les miennes, sont déjà bien chargées de bandes dessinées.

Je ne sais pas ce qui m’a attiré en lui. Peut-être ses couleurs pastel, qui détonnaient parmi les couvertures aguicheuses des capteurs d’attention, celles qui vous disent haut et fort « Prenez-moi ! Achetez-moi ! Ne m’abandonnez pas ! ». Peut-être le joli, doux dessin dont il se drapait, un dessin qui détonnait avec son titre, « Synthétique & toxique ».

Quelque soit la raison, je m’en suis saisi sans même le feuilleter, je l’ai ajouté à la pile déjà importante de mes acquisitions, j’ai réglé le tout et off we go.

Quelque chose en moi sentait que j’allais passer un très agréable moment de lecture en compagnie de Chien Fou, l’autrice, et de ses illustrations. Je ne me trompai pas.

Bien que Chien Fou — une des trois fondatrices de La Fourmi Éditions qui publie cet ouvrage — le qualifie de « roman graphique », terme qui a le chic de m’horripiler au plus haut point,1 je passe outre, tellement ses dessins sont beaux et les quelques mots dont elle les habille fort à propos.

Prenez cette phrase page 63 : « Souvent je m’interroge sur ce besoin inhérent à l’être humain de chercher des promesses d’éternité ». Tout un monde, nos existences, nos quêtes, nos moteurs, saisis de si élégante façon, synthétique au possible.

« Synthétique & toxique » est une bulle, suspendue hors du temps, dans laquelle on plonge, happées par les émotions, l’intensité qui la parcourent. On s’y sent bien par la grâce des traits doux et réconfortants de l’autrice, malgré le traumatisme originel vécu par le personnage principal et les infrangibles fruits d’insécurité et de doute qu’il va faire pousser dans sa psyché.

« Synthétique & toxique » est poétique et magnétique.

Couverture de « Synthétique & toxique », Chien Fou, La Fourmi Éditions

Synthétique & toxique. Chien Fou. La Fourmi Éditions. 18€.


  1. « Roman graphique » n’est plus ni moins qu’un synonyme de « bande dessinée ». La différence est qu’il cherche à enjoliver un terme bien établi d’un superflu et inutile raffinement, dans le but de vous faire payer plus cher et de lui donner une apparence d’intellectualisme. Il n’y a pas de honte à dire et à lire « une bande dessinée », tout comme il n’y a pas de honte à appeler un chat un chat. ↩︎