Le Roi Méduse - 1

Miles Davos 3 minute(s) de lecture possible dimanche 14 avril 2024 487 mots et d'autres choses
bd critique chronique

Mon enfance fut merveilleuse, enchanteresse. Du moins, c’est le souvenir que j’en garde.

Peut-être ma mémoire me joue-t-elle des tours. Gomme des aspérités, des contrariétés, des petits malheurs vécus. Pour ne garder que le beau, le meilleur… et l’incroyable sourire qui illuminait le visage de feu mon père quand il jouait avec moi.

Il ne se passe pas une journée, une seule depuis que la Camarde le fauchat sans que je ne me souvienne de son visage, de ses yeux luisants d’une intelligence rare, de son odeur si rassurante qui vous apaise et répare vos accrocs en un instant.

À la lecture du synopsis, « Le Roi Méduse » (tome 1) de Brecht Evens aurait du me repousser. Mais c’est tout le contraire qui se produisit. Peut-être est-ce à cause de, ou devrais-je dire grâce à ce petit mot si touchant que l’auteur glissa en mémoire de son géniteur dans une des premières pages de cet imposant ouvrage.

Qu’importe. Ce premier tome du Roi Méduse me conquit très rapidement. C’est tout simplement un chef-d’œuvre. Et je pèse mes mots.

Arthur grandit auprès d’un père foutraque. Complotiste. Psychotique. Savant à moitié fou. Mais à l’incomparable lustre.

Très aimant, il fait vivre le petit garçon dans une maison vide, sans mère (du moins elle n’est jamais évoquée). Lui apprend la peur des autres, mais aussi à faire un pas de côté pour voir les choses différemment. Lui donne les clés pour se défendre. L’aide à expérimenter. Et sait reconnaître son talent naissant d’artiste, le nourrissant de mille manières.

La relation d’Arthur avec son père est fusionnelle, solaire, même si la dépression, la catatonie ne sont jamais loin. Et c’est peut-être ce qui rend cette bande dessinée si touchante.

Grâce à son impressionnant style pictural salué par de nombreux prix, Brecht Evens a su me happer du début à la fin des 288 pages qui constituent ce feu d’artifice. Il m’a tenu en haleine tout du long avec sa débordante imagination. Faisant battre mon cœur à chaque commencement de planche (et quelles planches !) ou presque.

Certains textes me donnèrent le vertige. Faisant travailler mes méninges comme jamais une vidéo YouTube ou une série Netflix ne le feraient. Courts, mais donnant à profondément réfléchir sur la nature et la société humaines.

Je pourrais continuer des heures durant à vous faire part de mes impressions, à vous dire tout le bien que je pense du Roi Méduse. Mais cela ne suffira pas à en décrire toute la richesse, toute la subtilité, et tout ce qu’il ne manquera pas d’éveiller en vous.

Je vous laisse donc poser puis éteindre votre cordon ombilical numérique pour un jour ou une vie. Mettre vos chaussures et aller chez votre libraire indépendant pour en prendre un exemplaire. Avant de vous asseoir sur un banc pour vous ressourcer dans le sillon fertile de cette œuvre magistrale.

Le Roi Méduse - 1. Brecht Evens. Actes Sud. 32€