La singularité

Miles Davos 3 minute(s) de lecture possible vendredi 8 mars 2024 538 mots et d'autres choses
chronique microessai musique société

Je me sens fatigué. Éreinté. Éteint.

L’humanité et ses errements m’épuisent.

Ère post-moderne, dites-vous ? Arrêtons de faire semblant s’il vous plaît. Qui espérons-nous abuser ? Nous-mêmes ? Ère de l’idiotie, de la médiocrité, de la petitesse d’esprit, et de la course effrénée sans raison aucune.

Envie de tout lâcher. De me terrer en haut d’une montagne pour des jours, des semaines ou des mois. Loin de tout et surtout de l’égocentrisme, du populisme, du racisme, du capitalisme glouton, et de l’insidieuse bureaucratie.

Envie de passer une vie ou du moins ce qu’il m’en reste. À écouter le murmure du vent. À en admirer la cavalcade sur des champs de blé s’étendant à perte de vue. À retrouver mon équilibre interne loin du brouhaha incessant et de la sempiternelle agitation.

Alors que je ruminais, que je laissais mon esprit galoper tel un cheval fou vers cette falaise que je ne connais que trop bien, un sang frais se met à battre dans mes veines. Ma peau retrouve son éclat d’antan. Et un sourire incontrôlable prend place sur ma face.

Quel est donc ce miracle ? La fontaine de Jouvence existerait-elle vraiment ? Oui, oui, oui ! Je l’affirme maintenant haut et fort même s’il faut le vivre pour y croire.

Thylacine entre en scène. Et quelle scène ! La meilleure qui est pour accueillir ce moment hors du temps. La Seine Musicale, à l’acoustique irréprochable.

J’écoute de la musique depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. J’ai eu la chance de naître dans une famille qui ne pouvait s’en passer. Et je comprends pourquoi. La musique, la bonne musique est de l’oxygène à l’état pur, la meilleure médecine qui soit, capable de repriser vos accrocs et de réparer vos cals en un instant, vous faisant oublier le monde et sa pesanteur.

Pourtant, malgré tous ces disques que j’ai dégustés, ce streaming que j’ai fait défilé, ces nombreuses salles de concert que j’ai écumées, je n’ai jamais, ô grand jamais écouté quelque chose de tel.

J’en ressens encore des frissons pendant que j’étale ces lignes ; pâle tentative de vous faire ressentir par les mots ce que j’ai vécu dans la chair.

Je découvre ce qu’est le son, le vrai son, comment il peut vous envelopper, vous faire transcender sans recourir à la moindre substance ou, n’en déplaise à Zuck, au métavers.

Je n’en reviens pas. Comment ai-je pu, après tant d’années d’écoute, d’explorations, en long, en large, et en travers de la soundscape sous toutes ses formes, comment ai-je pu passer à côté de cela ? Quel immense plaisir de vivre cela, de se dire qu’il y a encore tant de choses à découvrir, à expérimenter, à vivre !

Le génie angevin de la musique électronique a frappé un grand coup. Un coup qui marquera à jamais la musique.

L’humain augmenté était face à moi.

Augmenté par ses consoles et ses instruments, par la clameur du public, par son pianiste, un chef d’orchestre et 73 musiciens, mariant à la perfection modernisme et tradition dans le meilleur écrin imaginable ; une prouesse architecturale extrêmement bien pensée qui me rend si fier d’être Français.

Ainsi la singularité tant prêchée par la Silicon Money s’est produite. Sans l’aide d’aucun tech bro.