Chronique - La forteresse volante
bd critique chronique
Vergiate. Lombardie. 13 juin 1933. Un objet volant non identifié apparaît soudain dans la nuit avant de s’écraser brutalement dans un champ. Les vapeurs roses qui s’en dégagent agissent comme un acide, dissolvant jusqu’à l’os les vaches qui paissaient là quelques instants auparavant.
Les pontes de l’Italie fasciste sont rapidement mis au courant. Ils agissent. Et vite. Ils dépêchent une section spéciale sur place pour récupérer l’engin et étouffer dans l’œuf toute rumeur qui viendrait naître dans ce village paumé.
Reste à percer les secrets de l’OVNI. C’est le grand Marconi qui est choisi. Scientifique de premier plan au service du Duce, il pressent la Grande Guerre qui vient. Il voit là une occasion unique de doter la mère patrie d’armes écrasantes, défiant l’imagination. Pour écraser les bolcheviques, les non-interventionnistes, et même l’allié nazi, et assurer ainsi la suprématie de l’empire fasciste pour des siècles et des siècles.
Il avance Marconi. Il avance. Et vite. Les premiers résultats sont plus que prometteurs, mais les cadavres des fouineurs et autres gêneurs s’accumulent. Les camarades fascistes ont la main un peu trop lourde, encouragés en cela par l’inspecteur politique qui ne laisse rien passer.
Il avance Marconi. Il avance. Il comprend comment défier la gravité et inverser le temps, mais les bizarreries et les on-dit s’accumulent. Les êtres venus d’ailleurs retrouvés au bord du vaisseau auraient-ils des congénères qui cherchent à les retrouver ? À moins que des anarchistes, des socialistes ou pire, des Américains, ne cherchent à semer la zizanie pour empêcher l’avènement du nouvel ordre mondial dont rêve Mussolini.
Et pour combler le tout, des histoires familiales qui appesantissent Vergiate comme tant d’autres villages italiens viennent compliquer les choses au-delà du raisonnable.
« La forteresse volante » de Lorenzo Palloni, avec au dessin Miguel Vila, l’auteur de l’excellente bande dessinée « Fleur de lait » — un des mes coups de cœur de 2023 — est fort délectable malgré quelques légères faiblesses scénaristiques. Celles-ci sont toutefois gommées par la maestria dont fait preuve Vila, toujours aussi génial dans sa maîtrise totale du cadrage, de la composition et des ruptures graphiques.
J’ai dégusté cette œuvre comme un bon vin. En prenant mon temps.
Je vous souhaite d’avoir autant de plaisir à la lire qu’elle ne m’en procura. Et si l’électro ne vous désarçonne point trop, mettez en boucle la version remixée par Voltaire de « Tales from the Real World » de Laurent Garnier avant de vous plonger dans cette dystopie.
— La forteresse volante. Lorenzo Palloni, Miguel Vila. Sarbacane. 25€.