Chronique - Inexistences

Miles Davos 2 minute(s) de lecture possible mercredi 7 février 2024 366 mots et d'autres choses
bd critique chronique

« Nous avons tout oublié. Comment se battre, comment atteindre des hauteurs vertigineuses et sombrer dans des abîmes incomparables. Nous n’aspirons plus à rien. » — Richard Matheson

C’est sur ces mots que s’ouvre « Inexistences », de Christophe Bec, paru ce décembre 2023 aux Éditions Soleil.

Cet album grand format, comme ceux de la grande époque de la bande dessinée, celle de Druillet, Bilal, et de Mœbius, est magistral. Une magnifique ode aux géants de l’anticipation, dans l’ombre desquels marche Bec le magicien. Une ode que je savourais en écoutant une œuvre tout aussi remarquable, et qui se marie parfaitement, tel un divin élixir, avec ce mets de choix : l’album « L(oo)ping » de Rone, enregistré en live avec l’Orchestre National de Lyon.

Mêlant textes littéraires profonds, dessins saisissants à couper le souffle — occupant parfois plusieurs pages — et chapitres de BD superbement ficelés, ce projet de cinq ans immerge les lectrices et les lecteurs dans un monde post-apocalyptique résultant d’une troisième guerre mondiale.

Se départissant de l’amour, de l’harmonie, et de la paix que chacun d’entre nous porte en soi, l’humanité dépeinte dans « Inexistences », qui ressemble étrangement à la nôtre, vécut ses « trente piteuses », exploitant jusqu’à la lie les écosystèmes dans lesquels elle évoluait, ou plutôt régressait.

L’abrutissement, la quête du pouvoir menèrent à la fin de toute civilisation, jetant Terre et les survivants dans un hiver glacial qui n’en finit pas. Dans des paysages arides où le froid menace chaque pas, chaque respiration devient une gageure, chaque jour se ressent comme une vie entière de dur labeur.

Des passages de « Inexistences » me prirent à la gorge telles des scènes de « La route » de Cormac McCarthy, bien que les deux œuvres n’aient de commun que l’apocalypse qui vient. D’autres figèrent mon sang, me rappelant la lecture de « Animal’z » d’Enki Bilal.

Au fil des pages, je ne pouvais m’empêcher de me demander pourquoi l’humanité dépeinte dans ces paysages majestueusement tristes continuait à marcher vers des lendemains fort incertains. Chacune, chacun savait qu’il n’y aurait guère d’après. Alors, à quoi bon s’acharner tant à inexister ?

Inexistences, Christophe Bec. Éditions Soleil. 29,95 €.