Dakota 1880
bd critique chronique hommage western conquête histoire
Il faut oublier toutes ces légendes de l’Ouest.
De toute façon, on va mettre les peaux-rouges dans les réserves, qu’ils laissent leurs terres dont ils ne savent rien faire aux vrais entrepreneurs de ce pays.
Vous voyez cette prairie ? Le chemin de fer va y apporter la civilisation, les manufactures, les banques.
Ainsi s’exprime un personnage peu amène dans « Dakota 1880 », un bel hommage à Lucky Luke par Appollo et Brüno, une bande dessinée parue le 31 octobre 2025 aux éditions Dargaud.
On y retrouve Luke avant qu’il ne devienne la légende que nombre aficionados du 9e art connaissent. Ce Luke qui égaya mon enfance. Par son flegme impressionnant et son incroyable adresse au tir. Sans oublier Jolly Jumper, Rantanplan et, bien sûr, ces sacrés Dalton.
S’inspirant d’une des premières aventures de l’homme qui tire plus vite que son ombre, « Arizona 1880 », « Dakota 1880 » propose une vision très personnelle. Lucky Luke, impavide, observe beaucoup et économise ses mots. On dirait qu’il est atteint d’une certaine lassitude face aux turpitudes d’un Ouest en pleine transformation, après l’abolition de l’esclavage qui n’a, de fait, que créé une nouvelle forme d’asservissement, dont on voit encore les stigmates aujourd’hui.
Histoire en huit mouvements, « Dakota 1880 » nous donne à voir un Lucky Luke très différent de celui de Morris et, plus tard, Goscinny, évoluant dans un monde aux teintes crépusculaires dessiné de main de maître par l’excellent Brüno ; j’adore le dépouillement graphique dont il use et la simplicité dont il fait preuve. On pourrait presque entendre une musique mélancolique en arrière-plan. Une musique dont on a du mal à se départir une fois la dernière page savourée.

— Dakota 1880. Appollo (scénario), Brüno (dessin), Laurence Croix (couleurs). Dargaud (Hors collection Lucky / Lucky Comics). 16€.