Chronique - Cauchemar

Miles Davos 2 minute(s) de lecture possible dimanche 18 février 2024 389 mots et d'autres choses
bd critique chronique

France. Notre époque. Une manifestation. Comme tant d’autres.

La voix du peuple s’élève vers le ciel. Elle se fait de plus en plus forte, porte de plus en plus loin, et s’infiltre dans la tombe du Maréchal, à l’île d’Yeu.

Le voilà qu’il revient à la vie Pétain. Affreux zombie aux inquiétants pouvoirs, il constate la déchéance de sa France. Il l’aime sa France, quitte à la violer. Il se dirige d’un pas assuré vers le palais présidentiel. Et par un étrange procédé, le voici qui fusionne avec Manu. Pécron est né.

Représentant de la parfaite alliance entre nationalisme réactionnaire et néolibéralisme débridé, Pécron serre les vis de cette France jusqu’à la faire suffoquer. Pour son plus grand bien, bien évidemment. Alors que les bottes brunes pourchassent les métèques, les bougnouls, et autres non-Français, et exécutent le plan global de rémigration annoncé par le Maréchal-Président, des avantages de plus en plus nombreux sont concédés aux plus riches. Pas question d’empêcher le business de tourner rond.

Mais la résistance s’organise, prend le maquis et met à mal les plans de Pécron. Le paso doble qui s’engage entre les deux camps mène à une escalade sans précédent de la répression. Comment sortir de cette spirale infernale ?

Derrière ses allures de fiction délurée, parsemée d’humour et d’hilarité à se faire dessus, « Cauchemar » de Pierre Ferrero n’en secoue pas moins. Et fort.

L’air de rien, il nous invite à prendre du recul, à voir le glissement qui s’opère. Le grignotage des libertés et la suppression des droits acquis de haute lutte. Par celles et ceux qui nous ont précédés, sans que nous y trouvions à redire. Ou si peu.

L’air de rien, il nous incite à sortir nos têtes de nos nombrils. À nous rendre compte que nous ne sommes rien si nous ne sommes pas ensemble. Qu’isoler c’est mieux régner.

Et une fois la dernière page de cette bande dessinée avalée, on reste pensifs, avec une belle amertume en fond de bouche, mâtinée néanmoins d’espoir. Un espoir qui passe forcément par plus de liens et de liants.

Vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé cette œuvre. Mais si vous êtes très à droite de là où je me situe, j’ai bien peur que vous ne cédiez à la folie de l’autodafé.

Cauchemar. Pierre Ferrero. L’employé du moi. 29 €.