Ma cabane sans peine

Alexandre Dulaunoy 3 minute(s) de lecture possible lundi 9 juin 2025 462 mots et d'autres choses
chronique livre philosophie

Trouver une bonne lecture, c’est difficile, mais il ne faut jamais sous-estimer la capacité des amis à savoir quoi lire. J’ai des piles de livres, dont une avec ceux qui m’ont été prêtés. Une amie me demande si j’ai bien Ma cabane sans peine d’Alain Guyard… Bien entendu, le livre n’était pas sur la bonne pile. Suite à cette agréable pression amicale, je me suis dit que l’occasion faisait le larron pour me plonger dans cette lecture.

L’auteur nous plonge dans ses réflexions après l’achat d’un mazet (une cabane en pierre, en gros, perdue dans les bois). Mais il s’attaque surtout à la philosophie du genre wilderness et aux apprentis ermites des forêts. Ce n’est pas une critique froide ou rigoriste, mais plutôt une critique humoristique, voire satirique.

Je ne peux m’empêcher d’inclure un extrait du livre qui tacle l’innommable T. (oui, un peu comme l’innommable H., mais en moins redoutable dans le cercle sillonesque).

surplus de l’armée, avec des fripes de chasseur canadien ou de jardinier beauceron. Quand on entre dans leur masure, en sus des odeurs de feu et de bois, il flotte toujours un parfum de viande séchée et de poisson fumé… Tesson pêche tous les jours en cassant la glace, vide ses poiscaille et les embroche au-dessus du feu de camp. Il en fume autant qu’il en mange. Sa baraque doit sentir la vieille literie viking du XIVᵉ siècle. Antoine Marcel se complaît à décrire son calibre .22 accroché au lambrissage à côté d’une effigie du Bouddha et du bois flotté qu’il ramasse en bord de rivière après les crues. Mais il ne détaille pas ses chasses. Chasse-t-il seulement ? Je crois qu’il cherche à épater, seulement. Il va à la supérette voisine, comme tout le monde. Que vaut une telle débauche de procédés littéraires qui s’épuisent en des géorgiques forestières toujours recommencées ? Sans doute veulent-ils émouvoir un lectorat citadin touché par le syndrome de Lady Chatterley : la bourgeoise aux mains fines et à la peau douce en pâmoison devant la rugosité trapue, virile et forestière de son jardinier. On dit que les lecteurs sont aux trois quarts des lectrices. Mais sont-ce encore des femmes qui lisent ces histoires d’ermites qui retournent aux bois ?

Je ne dirais pas que Ma cabane sans peine est un livre construit au sens classique, mais plutôt un joyeux bordel bien écrit, avec un vocabulaire soutenu (vous allez apprendre de nouveaux mots), un humour constant et une culture solide en toile de fond. Même s’il déglingue Emerson et Thoreau, j’ai l’impression qu’il châtie bien — car au fond, il les aime profondément (bon, peut-être pas Tesson).

Le livre est accompagné de jolies gravures illustrant les belles citations d’Alain Guyard. Et le tout est publié chez les élégantes éditions Le Dilettante.

Couverture de Ma cabane sans peine