Leroy du chenin
vin découverte art bande dessinée avis
2011: l’année de parution de ce récit initiatique d’Étienne Davodeau qu’est « Les ignorants ». Auteur de bandes dessinées que je connaissais déjà, à l’époque, il m’a fait découvrir la vigne et le vin, du moins intellectuellement.
Dans « Les ignorants », Davodeau conte sa propre méconnaissance de ces champs fertiles, de l’année d’initiation qu’il passa auprès de Richard Leroy, célèbre et discret vigneron. En échange, Davodeau communique sa passion du 9e art à Leroy. Ainsi, pendant un an, l’un apprend l’art de la vigne, l’autre celui du dessin et de la mise en case.
« Les ignorants » m’avait beaucoup marqué. C’est l’histoire d’une très belle rencontre, la mise en images — serties de mots — d’une intersubjectivité. Il ne me donna pas cependant l’envie d’entreprendre mes pérégrinations viticoles et bien liquides.
Ce n’est que trois ans après que je commence à boire du vin, à l’apprécier. Après avoir exposé mon palais à bien des cépages et des domaines, le divin chenin devint mon plaisir certain.
Comme vous l’aurez deviné, Leroy fait du chenin et rien que du chenin. Alors, je me suis mis en quête de ses dives bouteilles. J’écumais les cavistes à la recherche du rare élixir. D’aucuns me signifiaient que la production de sire Leroy était si faible que fort peu de leurs confrères vendaient ses bouteilles ; autant baisser les bras. D’autres ne savaient même pas de quoi je parlais. « Leroy, vous dites ? Bien bien, cela ne me dit rien. Je vais me renseigner. Revenez plus tard ! ». Comment, moi qui avais à peine quelques années de grappes dans le palais, pouvais-je en savoir plus grâce à une bande dessinée qu’un caviste patenté ?
Je n’ai pas baissé les bras et c’est par pur hasard que j’ai trouvé ma première bouteille de Leroy. Puis, une deuxième. Au fil des années, j’en ai acheté cinq.
Mais c’est un vin, sans chimie ni artifices, qui aime qu’on lui donne du temps pour paraître sous son vrai jour. Cinq ans, au moins. Alors, je pris mon mal en patience et je comptais les années. J’ai pu déguster une première bouteille l’an dernier, pour mes 50 ans, en bonne compagnie. Et ce fut tout simplement une merveille. Mon gosier, habitué au chenin, trouva ce vin divin. Un moment hors du temps, dont je garde, encore à ce jour, un fort bon souvenir.

Voici quelques jours, un cher ami est venu me rendre visite. Ce fut l’occasion de célébrer de nouveau ce nectar. L’expérience en fût tout autant extraordinaire. Nous étions là, les yeux pétillants de bonheur, à savourer ces gouttes de dieu Leroy, à en parler avec une langue lyrique, bien que nullement éméchés.
Ce week-end, après un long voyage, je suis passé chez mon fournisseur que je n’avais pas vu depuis un peu moins d’un an. Il attendait toujours son tout petit stock de Leroy. Il me promit cependant d’en mettre une de côté. Il m’annonça aussi que cet orfèvre de la vigne allait bientôt prendre sa retraite. Voici une autre raison pour savourer encore plus chaque goutte de son vin.
– Les ignorants: récit d’une initiation croisée. Étienne Davodeau. Futuropolis. 26€.